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Mouton toi-même !!
Je me souviens de toi, on bossait au même endroit ...
A l'époque, ca ne collait pas vraiment entre toi et moi, c'est fou qu'on ait trouvé tant de choses à se reprocher, trouvé cette angoissante idée d'avoir toujours tout à se prouver!
Je te reprochais d'être beauf, de vivre dans la masse, un grand troupeau où je croyais ne pas avoir ma place.
Je pensais que ma radicalité m'imposait de t'éviter, j'étais moi-même le geôlier dans ma taule de marginalité!
La bourgeoisie gênée par les assauts de notre classe a préféré imposer le concept de masse abrutie, inconsciente, dont elle veut que tu te démarques :
L'élitisme te menace !!!
N'essaie pas de t'écarter du plus "con"(?) que toi, tu n'y gagneras rien, mais lui il y perdra.
Rappelle-toi de nous qui étions comme deux fous à reproduire exactement ce qu'on voulait de nous !!
Je te foutais sur le dos ces merdes qui me pourrissaient la vie:
La télé, le boulot...Mais merde! Tu en souffrais aussi!!
Je me disais: "Quel abruti! Un mouton aurait plus d'esprit!"
Mais en disant ces mots la laine poussait sur mon dos!
Le patron, à l'époque, devait bien rigoler de nous voir sans arrêt en train de se critiquer les uns les autres, mépriser, se sentir en supériorité, marginal englouti dans la conformité, c'est être aliéné!
Nous avons perpétué ce pourquoi nous étions programmés !
Individualisé, écraser son frangin est plus aisé que s'organiser en une classe unifiée!
On aurait pu se parler de ce qu'on connaissait, de ce qu'on vivait, on aurait sûrement cassé ces miroirs qui nous aveuglaient!!
C'est dommage de s'être isolés toute notre vie, de ne pas s'être aidés mutuellement à arracher nos jougs.
Maintenant nos conflits sont loin d'ici; plus de haine entre nous, nous rendrons coup pour coup!
On aurait jamais pensé être ensemble aujourd'hui:
Ces chiens nous avaient inculqué leur art de diviser...
Nos armes sont tranchantes, notre rage est violente, et le temps est compté pour ceux qui aujourd'hui nous mentent!!
Si nous sommes tous des moutons nous égorgerons le berger, nous nous réapproprierons le pré, nous ne demandions ni excuses ni pitié, aujourd'hui c'est vous enfin qui allez y passer!!
DESSINE-MOI UN MOUTON...
-C'est quoi, un mouton ?
-C'est un mammifère qui n'existe plus à l'état sauvage, un animal laineux aux pupilles rectangulaires et à l'instinct grégaire légendaire...
-Ca veut dire quoi, grégaire ?
-Ca veut dire qu'il aime bien vivre en troupeau, qu'il panique quand il est seul...
-Ah...C'est normal, c'est triste d'être seul . Et elle parle de ça, ta chanson ?
-Euh...non, en fait "mouton" c'est aussi un mot pour insulter quelqu'un si on trouve qu'il présente les mêmes caractéristiques que l'animal...
-C'est pas à cause des pupilles, alors ?
-Non, tu as tout capté, bonhomme, c'est à cause du troupeau!
-Mais qui c'est qui dit ça ?
-Et ben pas mal de monde: Il y a des gens que j'aime pas du tout, qui sont très riches, ou cultivés, enfin des snobs, quoi, qui se sentent supérieurs à la "masse", aux gens qui ont eu moins de chance qu'eux dans la vie...
-...Ou qui se sont intéressés à d'autres choses!
-Ouais, tout simplement! Mais ma chanson n'est pas pour eux, de toute facon ils me méprisent aussi... Tu vois, on est toujours le mouton de quelqu'un...Non, mais il y a d'autres gens qui traitent aussi de moutons, pour d'autres raisons: Quand j'avais ton âge, j'avais tout plein de problèmes, je me sentais mal dans ma vie, et j'ai compris que c'était paske j'obéissais trop aux autres, sans essayer de faire ce que moi, je voulais vraiment faire... Alors j'ai voulu être vraiment moi-même, et ça m'a beaucoup apporté...
-Et alors ?
-Alors les victoires que j'ai remportées sur moi, au lieu de m'encourager à aller encore plus loin m'ont satisfait, m'ont rendu fier de moi et j'ai donc commencé à traiter de mouton des gens autour de moi qui répondaient différemment à leur propres problèmes...
-Mais tout le monde a les mêmes problèmes, on dirait !
-Ouais, c'est le monde qui a un problème... Tant que j'étais seul, je pensais être devenu quelqu'un de différent, mais en fait, confronté à quelque chose que je ne connaissais pas, je m'apercevais que j'étais aussi faible que la plupart des gens...
-T'as pas l'air d'être si faible que ça...
-C'est gentil, bonhomme, mais la preuve, c'est que je ressentais du mépris, et le mépris, c'est de la faiblesse, rien d'autre! En fait, tu vois, seul tu ne peux résoudre que des questions personnelles, alors que tous les problèmes sont généraux...Et puis comme tu disais, c'est triste d'être seul, et maintenant, de plus en plus, les gens sont tous seuls et se trouvent des raisons pour l'être...
-Oui, mais si ils se font chier quand ils sont nombreux, c'est normal, non?
-T'as raison, mais ça, c'est paske les gens...enfin, nous tous, quoi, on ne se réunit plus que pour des trucs à la con, des matchs de foot, des défilés, je sais pas, moi, des trucs où on vient juste en spectateurs, où on ne discute pas de nos problèmes...Du coup, on est seul au milieu de la foule, mais si on se regroupait pour un truc bien qui nous apporte vraiment quelque chose, ou alors même pour rien, comme ca, sans raison, juste parce qu'on en a envie, ce serait différent, je crois...
-Alors c'est ca, la leçon que tu veux donner dans ta chanson?
-Ce n'est pas une leçon!! Surtout pas! C'est justement une chanson contre les donneurs de leçon, quels qu'ils soient, même s'ils sont sincères et même s'ils ont de bonnes idées! S'ils veulent partager avec les autres des choses qui les ont aidé, des pensées qu'ils ont eu, ce n'est pas en se considérant comme supérieurs qu'ils y arriveront, on est tous dans la même barque, quoi...
-Oui, ça, c'est vrai...
-Enfin... Je vois pas pourquoi je t'ai raconté tout ça, petit bonhomme... Toi, tu as l'air à des kilomètres de ces conneries...
-Alors, dessine-moi un mouton...
-Ah! Ah!...Je connais le truc... Attends...Tiens! Ca c'est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans...
-C'est tout à fait comme ça que je le voulais.
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